Holocauste : ces témoins qui parlent

Les références à la mémoire de l’Holocauste ont fait l’objet de polémiques répétées sur la scène publique ces derniers mois. D’un côté, des manifestants n’ont pas manqué de tirer des parallèles avec les techniques de propagande ou de manipulation, de censure et d’ostracisation en vigueur actuellement. De l’autre côté, la plupart des élus nationaux se sont drapés dans la vertu du gardien de la mémoire tout en accentuant des mesures discriminatoires et en désignant les non-vaccinés comme responsables de la situation.

Dernière occurrence en date au Grand-Duché, la lecture d’un témoignage de Vera Sharav, survivante de l’Holocauste (voir notre article “Vera Sharav : son message au peuple luxembourgeois“) a entraîné un incident de séance lors du débat public sur la pétition 2044 s’opposant au CovidCheck.

Une discussion publique amputée

A la lecture des premières lignes de ce témoignage, les députés présents ont en effet quitté la salle en protestant, ce que la vidéo officielle ne permet de comprendre que dans les derniers plans de la séquence.

Et pour parler de propagande, citons RTL qui a relaté l’évènement en affirmant qu’un co-pétitionnaire “a fait une comparaison entre l’Holocauste et la pandémie de coronavirus”, formulation pour le moins trompeuse.

Le co-pétitionnaire dont la lecture a été ainsi interrompue était un jeune apprenti de 17 ans, par ailleurs triple-vacciné et atteint de problèmes cardiques depuis son Covid après booster. En rejoignant les rangs des co-pétitionnaires, Michel avait à cœur d’incarner la jeunesse exposant à nos consciences le message poignant d’une personne dont le vécu et la stature auraient dû susciter un minimum de respect de la part de nos élus.

Et ce d’autant plus qu’un email leur avait été envoyé la veille avec un lien vers cette vidéo.

L’article de RTL et son sous-titre pour le moins trompeur – censure et désinformation

Affirmons, puisque Vigilance Citoyenne était partie prenante du côté des pétitionaires, que porter à la lecture les propos d’une survivante de la Shoah, spécialement recueillis pour l’occasion et abordant – de la propre initiative de son autrice – les prémices de l’Holocauste sous le nazisme, n’est pas (et telle n’était pas l’intention) accuser “le rang d’en-face” de nazisme. Rang d’en-face dont chacun est conscient par ailleurs qu’il est présent dans toute sa diversité puisqu’émanant du pluralisme parlementaire.

Sûrement, cette lecture aurait pu être mieux contextualisée, ce qu’une certaine précipitation due au format de la séance n’a pas permis. Sûrement, également, les politiciens pourraient nous épargner les postures de donneurs de leçons sur un sujet aussi grave autour duquel nous devrions être capables de nous retrouver et d’échanger. Il ne devrait y avoir rien d'”inacceptable”, pour reprendre l’adjectif de M. Mars Di Bartolomeo, dans l’intention d’apprendre de la mémoire de cet épisode des plus sombres.

Et ce d’autant moins que Mme Sharav n’est pas la seule témoin, directe ou indirecte, à ainsi dresser des parallèles entre l’actualité et les années qui ont précédé l’Holocauste, sous le nazisme.

Minimiser ce qu’a été l’Holocauste ?

Radio München, par exemple, dans son émission “Wehret den Anfängen – was Juden heute denken” (“gare à la dénonciation, ce que les juifs pensent aujourd’hui”) fait parler des descendants de juifs victimes de la Shoah sur ce sujet.

Ainsi, lorsqu’on lui demande si c’est minimiser ce qu’a été l’Holocauste que de dresser des parallèles avec l’actualité, une descendante autrichienne de survivant de la Shoah témoigne que “pour les personnes dont les proches ont survécu à la Shoah, dénigrer ou même nier la Shoah est une idée inconcevable. Car c’est précisément pour les descendants des survivants de la Shoah qu’il va de soi de vouloir empêcher les dictatures qui ont rendu la Shoah possible.
[…]
Les personnes qui ont dû vivre la Shoah ne sont donc pas prêtes à se laisser interdire leur regard sur l’époque actuelle et la comparaison qu’elles estiment urgente”.

A la même question, un autre témoin répond : “Non, ce n’est pas une minimisation de la Shoah, car on ne compare pas des pommes avec des poires, on compare les débuts. Nous n’en sommes pas encore là où la Shoah s’est terminée. Nous en sommes aux prémices qui ont conduit à la Shoah. Si on ne peut pas faire cette comparaison, alors on est dans un système qui peut conduire à une nouvelle Shoah.”

“Dans une démocratie, tout le monde doit avoir les mêmes droits, indépendamment de la race, de la religion, de l’ethnie ou de toute autre chose. En ce sens, tous doivent faire ces comparaisons. Mais de facto, il est vrai que les descendants des victimes se sentent un peu plus à l’aise.

Un témoin s’exprimant sur Radio München

Une mémoire indéniable

Ainsi, les comparaisons de l’époque actuelle avec les prémices de la Shoah sont loin d’être considérées unanimement comme un tabou par les premiers concernés eux-mêmes. Pourquoi cela devrait-il l’être pour les autres, s’il existe précisément une volonté partagée de ne pas reproduire les mêmes erreurs ? On touche là non seulement à une question de (prétendu) principe moral, mais potentiellement à des tactiques de manipulation que ces témoins identifient parfaitement… et donc à la question clé : cette volonté est-elle vraiment partagée ?

Car s’il est une chose que toute personne de bonne foi ne devrait pas avoir de mal à admettre, c’est que chaque voix qui s’exprime le fait en fonction de sa sensibilité personnelle et par rapport à des faits qu’il est impossible de nier, sauf à tomber dans une forme de négationnisme, justement.

Le témoignage vidéo de Mme Sharav, censuré le 8 mars 2022 au lendemain de son chargement

Si les témoignages insistent tous sur la mise en place à petit feu des mesures qui ont précédé l’Holocauste, et à l’accoutumance des consciences qui l’a accompagnée, le fait que personne aujourd’hui ne semble se soucier, par exemple, du niveau de censure qui sévit désormais sur les réseaux sociaux et dans les médias, illustré par la partialité avec laquelle les médias traitent quiconque défie le narratif officiel, tend à nous indiquer que nous en sommes déjà à un stade avancé.

Des signaux d’alerte nous étaient pourtant parvenus, avant la crise Covid-19 et les restrictions dites “sanitaires”.

Pour en citer un récent, retenons celui de Marian Turski, livré le 27 janvier 2020, et qui résonne avec notre actualité : “Attention, attention, on commence déjà à s’habituer à penser qu’on peut exclure quelqu’un, stigmatiser quelqu’un, aliéner quelqu’un. Et lentement, pas à pas, jour après jour, c’est ainsi que les gens se familiarisent progressivement avec ces choses. Tant les victimes que les auteurs et les témoins, ceux que nous appelons les spectateurs, commencent à s’habituer aux pensées et aux idées selon lesquelles cette minorité qui a produit Einstein, Nelly Sachs, Heinrich Heine et les Mendelssohn est différente, qu’elle peut être expulsée de la société, que ce sont des étrangers, que ce sont des personnes qui répandent des germes, des maladies et des épidémies. C’est terrible et dangereux. C’est le début de ce qui peut se développer rapidement.”

M. Turski, survivant d’Auschwitz, pouvait-il également avoir à l’esprit les qualificatifs d'”anti-vaxx” et de “complotiste” qui volaient déjà début 2020 ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que ce sont bien ces qualificatifs, sans oublier le tort suprême de faire partie des non-vaccinés, qui, aujourd’hui, sont censés justifier censure et exclusion… voire le déni que celles-ci existent, comme illustré par les commentaires de M. Sven Clément lors de la discussion publique sur la pétition susmentionnée.

“Cela a commencé par l’exclusion et aujourd’hui, on ne peut plus passer le permis de conduire si on n’est pas vacciné. Aujourd’hui, on ne peut pas aller à l’université si on n’est pas vacciné. Oui… ma mère non plus n’a pas pu faire d’études parce qu’elle n’appartenait pas à la classe sociale qui y était autorisée.”

Un témoin descendant de victime de la Shoah, sur Radio München

Never again is now

Depuis le début de la crise Covid, d’autres témoignages de survivants de l’Holocauste ont percé sur les réseaux sociaux, tel celui de Nick Hope, qui dans une vidéo déclare “quand je vois les nouvelles en Autriche, je vois l’esprit d’Hitler”. Cet ancien prisonnier de Dachau s’exprimait au moment du vote de l’obligation vaccinale généralisée en Autriche, et de l’imposition de peines impitoyables aux récalcitrants.

Plus structurée, We for Humanity, une organisation basée à Amsterdam constituée de survivants de l’Holocauste et de leurs descendants, agit depuis 2021 et ambitionne de faire bénéficier le monde entier de ce que le peuple juif a pu tirer de l’expérience tragique qu’il a traversée. Leur dernière communication, sans équivoque, vise les médias mainstream, qu’ils accusent ni plus, ni moins, “d’abuser de l’Holocauste pour permettre un nouvel Holocauste”. Il préviennent “expressément qu’un nouvel holocauste se prépare, plus vaste et plus sophistiqué. La brutalité avec laquelle [les médias] combattent, nient, blessent et humilient l’opposition, autant verbalement que physiquement, sert à supprimer la vérité”.

Le ton est donné. Il l’est par des juifs qui ont été des victimes directes de l’horreur, ou de ce qu’elle a laissé dans les familles, dans les cœurs et dans les chairs.

Nous pensons, pour notre part, que c’est faire insulte à ces femmes et ces hommes, et à la mémoire qu’ils incarnent, que d’accuser ceux qui portent ces messages de minimiser l’horreur que fut l’Holocauste. Nous ne trouvons par ailleurs aucune qualité, aucune qualification permettant d’en juger autrement, dans les personnages qui incarnent aujourd’hui l’autorité et dont le sort personnel peut précisément dépendre de la minimisation de cette mémoire et des mesures liberticides et autoritaires actuelles.

Il nous semble donc important de tenir bon sur la mémoire de l’Holocauste en tentant notamment d’établir un dialogue constructif sur ces sujets. Et de ne pas hésiter à dénoncer les manipulations politiques qui n’ont d’autre effet que de ranger les appels à cette mémoire au rang de théorie, y compris du complot.

Never again is now. Merci Vera Sharav.

VC