Nous accueillons ici la réponse d’un “citoyen indigné”, tout comme nous le sommes, de la pauvre qualité du rapport dit “d’experts”.
Le 14 janvier 2022, le groupe ad hoc d’experts, composé par le Dr. Vic Arendt, le Prof. Dr. Claude P. Muller, le Dr. Gérard Schockmel, le Dr Thérèse Staub, et le Prof. Dr. Paul Wilmes, a publié son avis sur l’instauration d’une obligation de vaccination contre la Covid-191 (ci-après, l’« Avis des experts »).
La présente analyse critique porte sur l’approche scientifique employée par les experts, ainsi que sur les conclusions qui en ont été tirées.
La structure du présent document suit plus ou moins celle de l’Avis des experts, et se compose des points suivants :
1) Introduction
2) L’effectivité extraordinaire des vaccins
3) Observations des médecins hospitaliers
4) Personnes ciblées en fonction de l’âge du patient
5) Protection indirecte des vulnérables
6) Objectifs poursuivis
7) Conclusion
1. Introduction
« La critique est aisée, mais l’art est difficile ». En tenant en tête l’idée de ce proverbe, la présente analyse critique se limite effectivement à éclairer certains aspects « scientifiques » de l’Avis des experts, lesquels sont pourtant destinés à constituer les fondations sur lesquelles notre Gouvernement envisage d’instaurer une obligation de vaccination contre la Covid-19. Il n’appartient aucunement à l’auteur de la présente analyse de s’exprimer sur une nécessité ou non d’une obligation vaccinale au Luxembourg, étant donné que les opinions et croyances des citoyens ne devraient pas se substituer au savoir scientifique, réservé aux seuls experts en la matière. Or il est tout à fait légitime d’examiner de manière critique le contenu de cet Avis des experts, lequel les acteurs politiques semblent considérer dès à présent comme le Saint Graal.
2. L’effectivité extraordinaire des vaccins
Les experts soulignent dès l’introduction l’effectivité extraordinaire des vaccins sur base du tableau suivant :
Il est pourtant important de bien comprendre la méthodologie utilisée afin de promouvoir une efficacité des vaccins proche de 100%. Selon le « Rapport sur l’effectivité vaccinale contre la Covid-19, au Luxembourg (version du 29 octobre 20212) » (ci-après, le « Rapport (EV) »), la mesure de l’effectivité vaccinale (EV) se calcule en comparant les taux d’attaque de la maladie Covid-19 entre la population vaccinée et la population non vaccinée d’une même communauté, en utilisant l’équation suivante :
(EV) = (1 – (taux d’attaque chez les sujets vaccinés/taux d’attaque chez les sujets non-vaccinés)) x 100
Il est à noter que les données de l’Avis des experts proviennent intégralement du « Rapport national d’évaluation de l’effectivité vaccinale contre la COVID-19 (Mise à jour du 16 décembre 2021)3 » (ci- après le Rapport complémentaire). Or afin de bien pouvoir illustrer la méthodologie employée, il s’avère nécessaire de s’inspirer du Rapport (EV) (dont les résultats ne divergent que dans une mesure très marginale) :
Le flow chart issu de la page 24 du Rapport (EV) illustre de manière compréhensible la méthodologie :
En appliquant la méthodologie aux chiffres contenus dans le flow chart, le Rapport (EV) conclut sur une effectivité vaccinale contre l’infection à SARS-CoV-2 chez les personnes de 70 ans et plus vaccinées avec au moins une dose à hauteur de 77,93%, une effectivité vaccinale contre les hospitalisations liées à SARS-CoV-2 chez les personnes de 70 ans et plus vaccinées avec au moins une dose à hauteur de 91.93% ainsi qu’une effectivité vaccinale contre les décès liés à SARS-CoV-2 chez les personnes de 70 ans et plus vaccinées avec au moins une dose à hauteur de 88.82%.
Les calculs des différents taux d’attaque sont résumés dans le tableau ci-après, dressé par les propres soins de l’auteur de la présente analyse critique.
En utilisant les taux d’attaque renseignés dans le tableau ci-dessus on obtient les taux d’effectivité vaccinale suivants :
- Effectivité vaccinale (EV) [infection] = [1- (0,78/3,53)] x 100 = (1- 0,22) x 100 = 77,93%
- Effectivité vaccinale (EV) [hospitalisation] = [1- (0,12/1,43)] x 100 = (1-0,08) x 100 = 91,93%
- fectivité vaccinale (EV) [décès]= [1- (0,05/0,46)] x 100 = (1- 0,11) x 100 = 88,82%
En ce qui concerne plus particulièrement le taux très élevé de l’effectivité vaccinale contre l’infection (77,93%), il y aurait eu lieu, selon une approche scientifique dont se vantent pourtant les auteurs de l’Avis des experts, de le mettre directement en lien avec la protection vaccinale dans le contexte actuel, liée au variant Omicron. Ce n’est qu’en page 10 que les auteurs avouent que « [d]eux doses de vaccin ne confèrent que peu de protection contre une infection par le variant Omicron, mais une troisième dose d’un vaccin à ARNm permet d’établir une protection d’environ 50%. Cette protection est cependant susceptible de diminuer progressivement au fil du temps ».
Ceci est très important à mentionner, puisque selon la méthodologie employée par les auteurs le taux d’effectivité vaccinale contre les hospitalisations et le taux d’effectivité vaccinale contre les décès sont directement liés et dépendants du taux d’effectivité vaccinale contre l’infection. Reprenons l’exemple du flow chart ci-dessus. Sur base des constats actuels sur les percées d’infections (« Impfdurchbrüche »), il semble tout à fait irréaliste de prendre comme point de départ un taux EV (infection) à hauteur de 77,93%. Il est certainement plus réaliste de déterminer l’effectivité vaccinale contre les hospitalisations et les décès en partant du nombre de personnes testées positives (c.à.d. de prendre comme départ les personnes testées positives (vaccinés et non vaccinés) et de déterminer pour chaque cas le taux d’attaque, sur base du nombre des hospitalisations). Cette méthode permet d’obtenir des résultats beaucoup plus fiables dans le contexte du variant Delta.
S’en dégagent les taux d’effectivité suivants (bien moins « sexy » que les taux d’effectivité extraordinaire prônés en guise d’introduction par les experts):
- Effectivité vaccinale (EV) [hospitalisation] = [1- (14,80/40,48)] x 100 = (1-0,3655) x 100 = 63.45%
- Effectivité vaccinale (EV) [décès] = [1- (6.63/13.10)] x 100 = (1- 0,5065) x 100 = 49.35%
3. Observations des médecins hospitaliers (au 8 janvier 2022)
Pour étayer cette affirmation de l’effectivité extraordinaire des vaccins, les auteurs ajoutent certaines affirmations, provenant d’observations de médecins hospitaliers, sans pour autant fournir une quelconque évidence de citation :
- « Quasiment aucun patient ayant reçu un rappel vaccinal (booster) et sans comorbidités sévères n’a nécessité une hospitalisation en soins intensifs. »
Question de l’auteur -> Qu’en est-il du caractère scientifique d’une telle affirmation en absence de chiffres et de statistiques correspondants ?
- « Très peu de patients ayant reçu deux doses vaccinales et sans comorbidités ont dû séjourner en soins intensifs. Ceci revient à une protection extraordinaire contre les formes sévères de la maladie pour les personnes vaccinées préalablement en bonne santé. »
Question de l’auteur -> Qu’en est-il du caractère scientifique d’une telle affirmation en absence de chiffres et de statistiques correspondants ?
- « Il convient de déduire des patients vaccinés testés positifs au COVID-19 ceux qui se trouvent en soins intensifs pour d´autres raisons. »
Question de l’auteur -> Pourquoi ces redressements seraient-ils réservés aux seules données par rapport aux personnes vaccinées ?
4. Personnes ciblés en fonction de l’âge du patient
Il est plus qu’étonnant de lire que dès la page 3 les experts concluent déjà à partir des premières statistiques par rapport au patients COVID-19 en soins normaux, que la population cible concerne les personnes à partir de l’âge de 50 ans Cette approche, dénuée de toute portée scientifique, revient en quelque sorte à mettre la charrue avant les bœufs.
Il est encore plus étonnant que les experts se basent sur des graphiques qui ne sont pas vraiment comparables entre eux, du fait que les axes par rapport aux catégories d’âge ne restent pas cohérents d’un graphique à l’autre (alors que ces chiffres devraient pourtant être disponibles).
Les figures 1 à 3 de l’Avis des experts ont donc été retravaillées par les propres soins de l’auteur de la présente analyse critique, afin de les rendre comparables entre elles :
a) Hospitalisation (soins normaux – situation au 11 janvier 2022)
Les experts soulignent que : « le risque d’une maladie COVID-19 nécessitant une hospitalisation en soins normaux monte énormément au-delà de l’âge de 50 ans, donc pour les tranches d’âge visées par l’obligation vaccinale ». Or sur base du graphique ci-dessus, la seule augmentation énorme ne devient visible qu’à partir de l’âgé de 79 ans.
Une présentation des chiffres sur base du pourcentage de personnes effectivement concernées par tranche d’âge fait malheureusement défaut dans l’Avis des experts, alors qu’une telle représentation refléterait mieux la réalité d’un point de vue scientifique.
Sur base d’informations pourtant disponibles aux experts (v. deuxième colonne du tableau 2 en page 7 de l’Avis des experts) les statistiques se présenteraient comme suit :
Il est incompréhensible que les auteurs concluent sur base de ces chiffres/statistiques sur une augmentation énorme des cas au-delà de l’âge de 50 ans !
b) Hospitalisation (soins intensifs – situation au 11 janvier 2022)
La situation se présente de manière semblable en ce qui concerne la répartition des âges de personnes hospitalisées en soins intensifs, dont le nombre total sur la période du début de la pandémie jusqu’au 11 janvier 2022 s’élève à hauteur de 852 cas.
Les experts concluent que 80,3% des hospitalisations en soins intensifs concernent des patients âgés de plus de 50 ans et un cinquième seulement concerne des patients âgés de moins de 50 ans.
Ce pourcentage n’est pas contesté, mais sur base de la présentation des chiffres en fonction du pourcentage de personnes effectivement concernées par tranche d’âge, la réalité scientifique se présente comme suit :
Il est encore une fois incompréhensible que les auteurs concluent sur base de ces chiffres/statistiques sur une augmentation énorme des cas au-delà de l’âge de 50 ans !
c) Décès (soins intensifs – situation au 11 janvier 2022)
En ce qui concerne la répartition des âges de personnes décédées en soins intensifs depuis le début de la pandémie (931 personnes), les groupes sont répartis en tranches d’âge de dix ans, faute de disponibilité de données plus précises.
Les experts concluent que 98,5% des personnes décédées sont âgées de plus de 50 ans et donc moins de 2% sont âgés de moins de 50 ans. Ce pourcentage n’est pas non plus contesté, mais l’auteur tient à signaler et souligner que ce taux s’élève toujours à 95,18% pour les personnes décédées, âgées de plus de 60 ans, respectivement à 84,74 pour les personnes décédées, âgées de plus de 70 ans.
Présentation des chiffres sur base des pourcentages de personnes effectivement concernées par tranche d’âge :
Ce graphique ne diffère que de manière très minimale de graphique précédent et reflète une augmentation graduelle des cas de décès qu’à partir de 70 ans.
Pour résumer, une analyse objective et scientifique des différentes statistiques reproduites ci-dessus fait apparaître des augmentations graduelles du risque d’hospitalisation (en soins normaux et soins intensifs) et de décès au plus tôt à partir de l’âge de 65 ans.
Ceci est d’autant plus important à signaler, étant donné qu’une instauration d’une obligation de vaccination contre la Covid-19 à partir de l’âge de 65 ans réduirait de manière sensible (- 67%) la population ciblée (c.à.d. actuellement « non boosterisée »), qui passerait de 69.304 personnes [>50 ans] à 22.925 personnes [>65 ans).
d) Récapitulatif
Dénuées de toute évidence scientifique, les conclusions chiffrées par rapport au bénéfice de la vaccination obligatoire pour les personnes âgées de plus de 50 ans sont basées (au-delà de toute logique) sur l’hypothèse de couverture et de l’efficacité du vaccin de 100% !
Il est d’autant plus rassurant que les experts se rattrapent quelques lignes plus loin en admettent qu’une couverture et efficacité vaccinale réduite serait plus réaliste, et que l’effet protecteur se réduirait proportionnellement, sans pour autant avancer un quelconque chiffre pourtant indispensable d’un point de vue scientifique.
5) Protection indirecte des vulnérables
Avec l’objectif de renforcer la protection individuelle de la population ciblée, les experts recommandent également une obligation vaccinale pour les soignants au sens large, c’est-à-dire pour les professionnels en contact avec la population ciblée sans pour autant approfondir cette recommandation de manière appropriée. L’absence d’éléments scientifiques solides à ce sujet fait planer des doutes sur la qualité scientifique globale des conclusions de cet avis. C’est d’autant plus surprenant que les experts citent eux-mêmes un arrêt de principe de la Cour européenne des droits de l’homme, qui confirme qu’une vaccination obligatoire peut en principe être une mesure acceptable pour autant qu’elle soit justifiée par des considérations scientifiques et proportionnée à l’objectif poursuivi.
6) Objectifs poursuivis
Tout en admettant que les différents objectifs énumérés dans l’Avis des experts semblent légitimes, il en est toujours que les mesures envisagées doivent obligatoirement respecter le principe de proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis. Dans ce sens, la présente analyse critique se limite à l’objectif principal de l’obligation de vaccination, notamment la réduction du risque de surcharge du système de santé luxembourgeois.
Il est surprenant que l’avis n’apporte aucune information étayée scientifiquement par rapport à une présumée surcharge des hôpitaux au Luxembourg. Dans la presse, les rapports actuels font clairement ressortir que l’impact du coronavirus sur les hôpitaux du pays reste « tout à fait gérable » (pour ne citer que les représentants des hôpitaux lors d’un point de presse à la villa Louvigny début janvier 2022).
Les chiffres publiés par la Santé4 depuis le début de la « pandémie » montrent d’ailleurs actuellement une énorme disparité entre les taux d’hospitalisation (première figure ci-dessous) et le nombre hebdomadaire de personnes testées positives (deuxième figure ci-dessous).
Nombre de patients Covid-19 en soins normaux et soins intensifs (du 01/04/2021 au 23/01/2022) :
Situation générale (du 01/04/2021 au 23/01/2022) :
Les auteurs, bien que tout à fait conscients de cette évolution, n’ont pas jugé nécessaire de débattre d’avantage (d’un point de vie médical et scientifique) cette disparité, qui constitue pourtant la caractéristique spécifique du variant Omicron. Les experts se contentent tout simplement à préciser que « les études actuellement disponibles suggèrent que le variant Omicron est environ deux fois plus transmissible que le variant Delta (…) [tout en causant] un risque de complications nettement inférieur à celui du variant Delta ».
Or c’est exactement ce point qui aurait mérité une analyse approfondie de la part des experts mandatés par le Gouvernement.
9) Conclusion
Avant de conclure, il est encore important de mentionner, comme le font également les experts en page 9 de leur avis, que « toute [sic] ces données descriptives sont liées au seul variant Delta ». Cette mention aurait pourtant mérité sa place dans le préambule de l’Avis des experts.
Conclusion brève et nette : cet avis du groupe ad hoc d’experts se rapproche plutôt d’une simple rétrospective, même lacunaire à certains égards, que d’un « avis scientifique dans le contexte actuel d’évolution de la situation pandémique sur arrière-fond de propagation du variant Omicron » mission pourtant leurs confiée par Gouvernement.
Esh-sur-Alzette, le 26 janvier 2022
s. citoyen indigné
1 https://gouvernement.lu/dam-assets/documents/actualites/2022/01-janvier/14-avis-experts- covid19/20220114-avis-groupe-d-experts-obligation-de-vaccination.pdf
2 https://covid19.public.lu/dam-assets/covid-19/vaccinations/Rapport-2-effectivite-vaccinale-au-Luxembourg- VFinale-18102021-AN.pdf
3 https://covid19.public.lu/dam-assets/covid-19/vaccinations/Rapport-mis-a-jour-du-16122021-effectivite- vaccinale-au-Luxembourg.pdf